jeudi 16 août 2012

Portland Forest Park : l'espace oxymore

"Urban Forest Park", tout porte d'abord à croire qu'un terme en trop s'est glissé dans l'intitulé.

Des parcs urbains il en existe, et même des très grands.
Des parc forestiers cela se trouve. En France le terme évoquera les forêts domaniales et le souvenir des chasses royales. Aux Etats-Unis, le parc naturel est une institution et certains pensent même qu'il représente le seul patrimoine américain.
Enfin, des forêts urbaines ont souvent été proposées par des paysagistes valeureux, dans des projets urbains de toute sorte, depuis que ceux-ci s’intéressent à l'aménagement urbain. Celles-ci sont souvent restées lettres mortes.

Avec ses 2000 ha (5100 acres) de nature sauvage aux portes de l'hypercentre de Portland, Forest Park constitue cependant la preuve vivante de l'existence possible d'un tel espace.

Naturel et urbain, sauvage et aménagé, inconnu et si proche, cet espace oxymore constitue sans doute l'atout urbain majeur de la ville de Portland, la preuve du caractère exceptionnel et inclassable de l'agglomération.

Les collines bordant la Willamette River ont toujours semble-t-il suscité l'intérêt.

Distribuées aux pionniers qui investirent la ville à partir des années 1850, ces étendues boisées située à l'ouest du Downtow de Portland n'ont du leur salut qu'à la mauvaise stabilité de leur sol et à la gestion intensive des premiers arrivants. Les larges coupes claires qui détruisirent la forêt primaire engendrèrent ravinements et glissement de terrains qui découragèrent les premiers "settlers". Ceux-ci rendirent bien vite leur parcelles à la ville. 
Dès 1867, le révérend Thomas Lamb Eliot popularise l'idée d'une réserve naturelle boisée.
En 1899, le plan paysager des frères Olmsted inclut ses étendues boisées dans un réseau de parcs et d'espaces verts à l'échelle de l'agglomération. Ces deux fils du paysagiste qui aménagea Central Park concrétisèrent un certain nombre d'aspirations locales. Dans son Greater Portland Plan, E.H. Bennett (co-auteur  avec Burnham du Plan de Chicago en 1909) expliquait à leur suite en 1909 : "great woodland areas are the great life-giving elements of the city."
Ce n'est pourtant qu'en 1948 (après d'autres tentatives avortées de lotissement) que l'étendue fut officiellement protégée et que Forest Park devint un parc municipal.
Agrandit au fil des années par l'action conjointe de la municipalité et du gouvernement de l'Oregon, le parc est aujourd'hui le plus grand parc urbain forestier des Etats-Unis ("the largest forested natural area within city limits in the United States").

Les espaces les plus aménagés sont répartis au Sud. Un jardin japonais fait face à une rosière, quelques points de vues de très rares demeures patriciennes à la lisière de la forêt.
C'est dans la partie Nord que le Forest Park prend sa véritable dimension. Une forêt touffue qui commence à l'extrémité de rues en impasses. Une forêt presque vierge où l'on pénètre avec recueillement. Après quelques pas les frondaisons cachent complètement la ville dont on perçoit encore le ronronnement.
Les très hauts pins filtrent la lumière. Cela sent la mousse, les pieds se mouillent rapidement. des oiseaux vous frolent.

Seuls quelques sentiers permettent de véritablement parcourir la forêt (deux voies routières la traverse et une route de crête la longe). Le Wildwood Trail s'étend sur 70 miles (110 km) en une boucle à mi pente, le Cherry Trail est un peu plus court.
Quelques promeneurs, des coureurs, de plus rares cyclistes (et de rares itinéraires réservés aux chevaux) que l'on croise furtivement. Ils apparaissent et le bois les avale. Tout à côté de la ville, nous voilà enfin seul.






PS : l’atmosphère particulière (et magique) de ce parc urbain forestier nourrit bien des imaginaires. Hollywood y a même situé un récent thriller (par ailleurs très mauvais). Dans Gone, un sérail killer campe aux fond des bois. Plus classiquement, cette forêt de conte de fée n'abriterait que des coyotes.



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