samedi 13 août 2011

Chicago, première ville générique ?

Partie de rien en 1830, totalement incendiée en 1871, la ville de Chicago est plus encore que Los Angeles ou New York représentative du miracle économique américain du début du XXe siècle. Sa position cardinale, entre l’Est et l’Ouest et sur l’axe Médian du Mississippi la condamnait presque au développement frénétique qu’elle connut à partir de 1880. Son "essence" ferroviaire, point névralgique du réseau ferré américain et plateforme d’échange entre les produits agricoles de l’Ouest et les produits industriels du Nord-Est, lui fournit une vocation : celle de la modernité.
De 1910 à 1930, elle est pour Jean Castex « Le Chantier de la modernité ».

Le caractère charnière de la ville se lit sur les cartes routières. A Chicago la géométrie bascule et les routes sinueuses du Nord-Est, héritage d’un modèle européen attentif à la géographie, se transforment en une trame abstraite, l’artificialité progressiste du Homestead Act.

La vocation technique de la ville s’inscrit dans ses infrastructures et dans le haut niveau d’abstraction de son architecture. Chicago est une "Rail City", née par le rail, qui inventa le métro et les rues à étages et accueilli Mies Van der Rohe pour ses dernières années. Le pape du modernisme boucla la boucle en utilisant en applique des rails métalliques décoratifs.
Ici le gratte-ciel n’est pas une icône mais une modalité de multiplication des surfaces disponibles. Le patrimoine architectural de Chicago est connu et célébré, du Wrightley Buiding aux Marina towers, mais une partie importante de la production contemporaine correspondant à un style global qui ne dépareillerait pas à Shanghai ou Kuala Lumpur.

Ville de l’infrastructure, Chicago est aussi la ville du refoulement des infrastructures.
Selon la leçon architecturale bien connue, la mauvaise tour européenne naît sur une dalle morte quand la bonne tour américaine tombe dans la rue vivante. A Chicago, il n’en est rien.
Les tréfonds de la ville sont parcourus par des rails et des souterrains multiples, les métros sont surélevés et tournoient dans l’hyper-centre, mais ici le sol est épais, menteur. Les niveaux se superposent et s’ignorent. Il y a dix villes identiques mais différentes qui se superposent sans se parler.

Moderne, technique et muette, et si Chicago était également la première ville générique.





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